Même s’il faut se garder de donner trop d’importance à ce discours, qui n’est finalement qu’un exercice attendu et réalisé sans trop d’originalité, il contient cependant des éléments qu’il convient de souligner et qui doivent nous permettre d’ajuster notre action pour faire valoir nos besoins et nos attentes.

Si la composition d’un gouvernement laisse toujours entrevoir les orientations et les choix politiques à venir, elle répond aussi à des enjeux politiciens qui brouillent la lecture et limitent la mise en perspective. Seule la déclaration de politique générale devant le Parlement permet d’avoir une première vision de la logique gouvernementale recherchée et des priorités politiques proposées.

L’exercice, classique dans la 5ème République, renvoie à tous les attributs du rituel : il est symbolique, et à ce titre n’a pas de valeur en soi : c’est avant tout le signe d’une intention.

Celle-ci se réalise déjà dans les termes utilisés pour représenter et définir. On peut noter que plusieurs mots ont été prononcés très tôt dans l’allocution pour parler de notre secteur et de ses défis : le handicap, la lutte contre les discriminations et l’enfance ont ainsi tour à tour été cités comme enjeux prioritaires pour le gouvernement. Ces citations ne sont pas anecdotiques ; néanmoins, privées de mesures concrètes en faveur des politiques publiques les concernant, elles resteront de pure forme.

Le Premier ministre a listé cinq chantiers prioritaires. Parmi ceux-ci, on peut considérer que trois nous concernent directement : le niveau de vie des Français, les services publics et la fraternité.

Le premier s’ouvre sur une ambition forte : « notre objectif est que tous les Français frappés par la vie chère constatent dès l’année prochaine une amélioration de leur niveau de vie ». L’objectif affiché : que « chacun puisse bien vivre des fruits de son travail ». Ce n’est pas le cas actuellement de tous les professionnels de notre secteur. Il faut donc activement et fermement prendre ces affirmations au pied de la lettre pour enfin financer réellement les revalorisations salariales actées par le précédent gouvernement et répondre de manière pérenne à la problématique de l’attractivité de nos métiers. Et la mise en œuvre de ce chantier va arriver très rapidement pour notre secteur : en effet, pour concrétiser cette ambition, le gouvernement a annoncé l’augmentation de 2 % dès le mois de novembre du SMIC. Quel impact va avoir cette augmentation sur les bas de grilles de nos conventions collectives et sur les négociations en cours sur la CCUE ? Notre secteur va donc être un cas pratique immédiat et déterminant pour mettre à l’épreuve cette première priorité gouvernementale.

Le deuxième chantier est celui de l’accès à des services publics de qualité. Il concerne directement le secteur sanitaire, social et médico-social, car outre l’école il vise le sujet de la santé. Si en tant que citoyen nous ne pouvons que nous réjouir de cette mise en exergue, nous ne pouvons que nous désoler, à nouveau, de la conception si restrictive de la santé. Là où la crise du Covid nous a tous appris que la santé devait être prise au sens large, englobant, comme proposé par l’OMS (santé au sens de bien-être), on se retrouve encore avec un périmètre de la santé limité au sanitaire, voire à l’hôpital. Ce deuxième chantier est donc à notre avis un nouveau rendez-vous manqué, le gouvernement échouant comme tous ses prédécesseurs à appréhender de manière globale et systémique les enjeux de santé. On peut d’ailleurs faire le lien avec le découpage des périmètres gouvernementaux que nous soulignions la semaine dernière, avec un retour à la dissociation santé/solidarités.

Le dernier chantier cité, qui nous concerne directement, est celui de la fraternité. « Nous avons besoin dans notre pays de plus de fraternité ». Certes, c’est ce que notre secteur demande depuis toujours, mettant en avant la solidarité comme un élément fondamental du modèle social. Si le « vivre ensemble » mérite naturellement cette priorisation gouvernementale, sa déclinaison dans la déclaration de politique générale est plutôt décevante : elle se limite à une succession d’affirmations peu concrètes (« résoudre les inégalités qui demeurent », « soutenir toutes les familles », « combattre avec la plus grande énergie la pauvreté », etc.). Pas d’engagements précis, pas de propositions tangibles. On peut même dire que cette abstraction est renforcée par les deux chantiers restants : la sécurité et l’immigration. Eux bénéficient de beaucoup plus d’affirmations et de mesures concrètes, laissant entrevoir un possible classement parmi les différentes priorités gouvernementales…

Ces différents chantiers sont accompagnés, dans la déclaration, d’un certain nombre de principes qui selon le Premier ministre doivent guider l’action du nouveau gouvernement. Parmi ceux-ci, le dialogue est mis en avant. Avec les collectivités locales tout d’abord, ce qui n’est guère étonnant quand on connaît les enjeux de la décentralisation et la médiocrité des rapports entre l’État et les acteurs politiques locaux. Pour notre secteur, le sujet est primordial : la diversité des financeurs et la complexité de leur interaction rendent déjà difficile la mise en œuvre des politiques de solidarité. L’instrumentalisation de leurs rapports à des fins politiciennes rend presque impossible l’exercice de nos missions. L’exemple du financement du Ségur est à ce titre exemplaire et symbolique. Pour Nexem, le sujet va bien au-delà du seul rétablissement du dialogue entre les acteurs concernés : il impose une remise à plat du système et une réflexion globale sur les enjeux de notre secteur.

Le dialogue social est l’autre élément mis en avant par le Premier ministre dans sa déclaration : « écoute, respect et confiance dans les partenaires sociaux ». Pour le nouveau gouvernement, « la situation requiert un renouveau du dialogue social et une relation exigeante et constructive avec l’État ». Là encore, tout à fait d’accord avec l’intention : Nexem, en tant qu’organisation employeur portant un sujet primordial pour le secteur, la convention collective unique étendue, plaide pour un investissement des pouvoirs publics à la hauteur de l’importance du sujet. En négociant avec les représentants des salariés ce futur texte conventionnel, nous assumons notre part des responsabilités. À l’État d’assumer les siennes, en créant un environnement permettant la bonne tenue des négociations et en accompagnant financièrement le processus.

Tout d’abord, de nombreuses pistes vont nous permettre d’arrimer nos dossiers aux priorités annoncées. L’actualité de notre secteur n’est donc pas détachée des intentions gouvernementales. Il est donc fondamental de se saisir de ces accroches et de s’en servir pour faire avancer nos dossiers. Il faut maintenant passer au concret, avec la prochaine étape qui attend le gouvernement : le vote du budget 2025. Le PLF et le PLFSS vont être la première mise à l’épreuve des intentions gouvernementales et la confrontation des ambitions portées par le Premier ministre aux réalités politiques et économiques du pays.

Car finalement, la principale information à retenir de ce discours est la mise en avant de contraintes économiques qui, selon le nouveau gouvernement, doivent encadrer tous les choix budgétaires pour les mois et années à venir. « Faire beaucoup avec peu », a martelé à plusieurs reprises le Premier ministre. Que doit-on penser de cette incantation ? Que devons-nous en faire ? En ce qui concerne Nexem, il serait aberrant et inadmissible d’enfermer le débat de la solidarité dans une seule équation budgétaire. Le « vivre ensemble » est avant tout un défi sociétal, qui exige un courage politique et une vision à long terme. Nous n’avons retrouvé ni l’un ni l’autre dans le discours, et nous allons continuer à nous battre pour disposer enfin d’un débat à la hauteur des enjeux.

 

Article publié le 4 octobre 2024

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