Le 17 avril dernier, presque cinq ans après le dépôt d’une réclamation collective portée par sept acteurs* du handicap, le Conseil de l’Europe a pointé du doigt l’Etat français, qui, selon lui, ne mène pas une “politique cohérente et coordonnée” en matière de handicap.

Manque d’accompagnement, pénurie de services de soutien qualifiés, difficultés pour accéder au logement, à la santé ainsi que des refus de scolarisation, des injustices socio-économique… le conseil dénonce une violation des droits des personnes en situation de handicap et de leurs familles et un non-respect de plusieurs articles de la Charte sociale européenne que la France a ratifiée en 1999.

 

Des mesures attendues dans six domaines clés

Les associations qui sont à l’initiative de la réclamation exigent que les recommandations du Conseil de l’Europe soient traduites sans délai en politiques publiques cohérentes, coordonnées et chiffrées. Elles attendent beaucoup de la prochaine Conférence nationale du handicap (CNH), prévue le 26 avril 2023 à l’Elysée. Elles ont établi six domaines clés pour faire évoluer la situation et mettre fin aux discriminations des personnes en situation de handicap :

1. Accompagnement : Le Conseil de l’Europe confirme que les autorités françaises n’ont mis en place ni les financements, ni les accompagnements adaptés aux besoins et attentes de toutes les personnes en situation de handicap. Trop de personnes sont encore sans solution adaptée. Les associations réclament donc des chiffres et des données fiables permettant de connaître les besoins, de les quantifier et d’élaborer des plans d’action pour y répondre.

2. Ressources et compensation : Le Conseil de l’Europe confirme que le niveau de vie des personnes en situation de handicap et leurs familles est inférieur en moyenne à celui du reste de la population, ce qui constitue une profonde injustice socio-économique. Les associations réclament donc des mesures pour augmenter le niveau de vie des personnes en situation de handicap, particulièrement touchées par l’inflation. Elles demandent la revalorisation financière des allocations, prestations et compensations pour leur permettre de vivre une vie digne, choisie, autonome et incluse dans la société, sans rupture de parcours.

3. Accessibilité : Le Conseil de l’Europe confirme que le principe d’accessibilité, prévu dans la loi depuis 1975 et 2005, n’est toujours pas respecté. Pire, les obligations de l’Etat et de ses services en matière d’accessibilité ont régressé dans tous les domaines et les nouvelles réglementations décalent indéfiniment la mise en accessibilité réelle… Les associations réclament donc que les acteurs publics et privés travaillent ensemble pour mettre en accessibilité l’ensemble des chaînes de déplacement et permettre aux personnes, quel que soit leur handicap, d’accéder aux services publics et aux transports, ainsi qu’à des logements adaptés. Il faut pour cela faire évoluer le bâti, mais également la signalisation et les informations.

4. Santé : Le Conseil de l’Europe confirme que les personnes en situation de handicap sont victimes de discrimination dans l’accès aux soins, entre autres raisons, parce que les services d’urgence et de soins ne répondent pas de manière adaptée à leurs besoins. Les associations réclament donc que l’offre de soins dans son ensemble soit adaptée à tous les handicaps, sans reste à charge pour les personnes, accessible dans un délai raisonnable, et que les soins soient dispensés dans le respect des droits du patient.

5. Education : Le Conseil de l’Europe confirme que de nombreux élèves en situation de handicap sont toujours « mal » scolarisés voire pas scolarisés du tout. Les associations réclament donc l’accès à l’éducation, mais surtout une réflexion globale sur l’accessibilité du système scolaire et son caractère réellement inclusif, incluant l’adaptation de la pédagogie, des outils, du matériel, et le rythme des journées. Cela nécessite de former et de soutenir les enseignants en les dotant de tous les moyens nécessaires.

6. Protection des familles : Le Conseil de l’Europe confirme les manquements de l’Etat français dans la protection des familles, dont la vie personnelle et professionnelle est encore trop souvent impactée par le manque d’accessibilité généralisée et le manque d’accompagnements spécialisés, qui empêchent leur proche en situation de handicap de mener une vie autonome et incluse dans la société. Les aidants doivent modifier voire cesser leur activité professionnelle, ils sont donc touchés par des pertes de droits (congés, retraite…) et se retrouvent précarisés. Les associations réclament donc que la France se mette enfin conformité avec ses engagements et sa propre législation afin de lever les obstacles qui créent et aggravent les situations de handicap dans la société, et pour que les droits fondamentaux des personnes et de leurs familles soient respectés.

 

* Les sept associations ayant porté la réclamation collective sont le forum européen des personnes handicapées, Inclusion Europe, APF France handicap, Clapeaha, Fnath, Unafam et Unapei.

 

Article publié le 21 avril 2023

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